Gigues I: notes répétées, respirations et autres problèmes


Articulation de notes répétées
Méthode 1 -- utilisation de cuts
Méthode 2 -- avec un seul coup de langue
Méthode 3 -- le motif "STT"
Exercices
Comment rendre cette sensation langoureuse ?
Respiration
Et après ?
Comment ne pas jouer une gigue ?
Au cas où vous ne me croiriez pas...

Articulation de notes répétées

Prérequis. Vous aurez des difficultés à suivre les explications de cette page si vous n'êtes pas capable d'utiliser confortablement les ornements connus sous le nom de cut. Les taps seront aussi utiles. Vous devrez être aussi habitué à l'idée d'utiliser les cuts pour éviter les coups de langue et avoir effectué les exercices que j'ai donné dans la page sur les coups de langue.

Sur cette page, j'ai donné un exemple de gigue dans laquelle il est relativement facile de tout lier, The frost is all over. Il me semble que j'ai joué ce morceau avec des notes de longueur à peu près égale. Je sais -- malgré tout ce que j'ai pu dire à propos de la régularité de la longueur des notes. Dans un morceau comme celui-ci, joué de façon très liée, cela convient.

Mais regardons un autre morceau, un qui présente un défi différent : The Connaughtman's rambles.

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Dans les mesures 1, 3 et 5 de la première partie,   il y a des notes répétées en position 2 et 3 du second triolet (groupe de trois notes). Il y a également des Si répétés aux mesures 4 et 8, ainsi que des La et Si aigus dans la deuxième partie.

Il s'agit d'un motif caractéristique que l'on peut trouver dans une grande proportion de gigues. Vous avez besoin d'une technique efficace pour traiter ces notes répétées.

Ecartons immédiatement l'idée de mettre un coup de langue sur chaque note. (Il existe des musiciens traditionnels qui interprétent très bien des gigues de cette manière, mais ce ne serait pas choisir la facilité !)

En fait, mettons de côté temporairement l'idée d'utiliser la langue.

Méthode 1. Essayons d'utiliser des cuts pour séparer ces notes.

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Dans l'extrait sonore ce-dessous, la première mesure suivie de la quatrième mesure sont jouées plusieurs fois. J'ai séparé toutes les notes répétées par un cut avec le premier doigt (Si) à l'exception près de la troisième note Si dans la quatrième mesure où j'ai effectué un tap avec le doigt (La) (car c'est plus facile que d'effectuer deux cut de suite, particulièrement lorsque l'on augmente la vitesse).

Mesures 1 et 4 avec cuts et taps pour séparer les notes répétées (44K)

En utilisant cette technique, l'intégralité de la première partie de la gigue ressemblera à cela. (53K)

Hmmm. Cela parait bien. Vous pouvez interpréter des gigues comme cela, et personne n'aura d'objections. Mais, pour mon goût, l'effet produit ressemble un peu trop à celui d'une cornemuse écossaise. J'adore la cornemuse, cela dit en passant. Mais qu'elle soit fabriquée avec un estomac de mouton ou non, elle n'a pas de langue.

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Méthode 2. Essayons autre chose. Utilisons un minimum de coups de langue pour séparer les notes répétées. Les notes détachées sont marquées d'un point.

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Mesures 1 et 4 en articulant la deuxième des deux notes répétées avec la langue (51K)

En utilisant la technique "un seul coup de langue", la première partie ressemble à cela. (57K)

Hmm-hmm. Cela marche bien. Il y a des gens qui jouent comme ça. Mais je ne suis toujours pas satisfait. Le gigue-ottement que je veux n'y est pas.

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Méthode 3. Qu'adviendrait-il si on mettait deux coups de langue, comme ci-dessous ?

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Mesures 1 et 4 en articulant les deux notes répétées (49K)

En utilisant cette technique "deux coups de langue", l'intégralité de la première partie ressemble à cela (57K)

Parfait ! Nous y sommes ! C'est ce motif que j'aime utiliser pour ce genre de répétition de notes dans les gigues. Appelons cela le motif STT (acronyme de l'anglais "slur-tongue-tongue"). Grâce à cette méthode, la deuxième note du groupe se trouve raccourcie, sans pour autant obtenir un rythme de sicilienne.

Vous pouvez utiliser ce motif pour des répétitions de notes. Vous pouvez aussi l'utiliser ça et là alors que vous n'en avez pas vraiment la nécessité absolue pour donner un effet "gigue" à une phrase ou un passage que vous aimez.

Vous pouvez utiliser cette technique tout au long du morceau mais aussi bien vous que moi risquons de nous lasser de cet effet, sans oublier ceux qui auraient le malheur de vous écouter. Il est important de conserver un bon équilibre entre l'effet STT et des passages fluides en legato. Et rien ne vous empêche d'utiliser la méthode 1 de temps en temps pour varier.

Au début, vous trouverez peut-être cette technique difficile à maîtriser. La difficulté peut résider dans le fait de ne pas articuler la première note et de le faire pour les deux autres. Mis à part le fait que je pense que la technique STT donne le rythme le plus satisfaisant, articuler les trois notes du groupe est difficile à effectuer rapidement alors que le STT, une fois maîtrisé, peut être joué relativement aisément avec une rapidité étonnante. Voici quelques exercices pour vous aider.

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Quelques exercices

Comme je l'ai dit, la maîtrise de l'effet STT peut un certain temps. Il peut paraître peu intuitif (surtout si vous avez des instincts "classiques"). Mais prenons cela comme un bon défi. Voilà quelques exercices amusants pour s'entrainer. Rapelez-vous qu'un point indique que la note doit être articulée et une liaison ou un tiret indiquent que la note ne l'est pas.

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Les trois exercices ci-dessus devraient ressembler à quelque chose comme cela (84K)

Et maintenant vous pouvez avoir le plaisir de faire vos propres exercices pour maîtriser cette technique de base !

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Comment rendre cette sensation langoureuse ?

La technique STT vous aidera à avoir un bon rythme de gigue. Mais souvenez-vous bien que le travail de la langue doit souligner l'irrégularité des longueurs de note qui rend une gigue correctement interprétée si agréable à écouter. Il ne s'agit pas de pointer la première note, mais de s'y attarder un peu, pendant une infime microseconde. Ne soyez pas impatient de passer à la deuxième note d'un triolet !

Ceci est absolument vital. Ecoutez attentivement le morceau de l'exercice ci-dessus. Et plus particulièrement dans le premier exercice, qui est joué lentement, vous devriez être capable d'entendre ce petit retard dont le résultat est de couper la note du milieu.

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La respiration dans les gigues

Les notes répétées qui sont caractéristiques de The Connaughtman's rambles et de bien d'autres gigues non seulement nous donnent une bonne opportunité pour developper un bon rythme de gigue mais aussi des emplacements pratiques pour respirer.

La meilleur façon de respirer dans une gigue est probablement de sacrifier la note du milieu dans un groupe de trois. Cela correspond à la règle de respiration la plus importante dans l'interprétation de musique de danse -- à savoir respirer après une note importante. Vous pouvez aussi utiliser cette opportunité pour éviter de respirer à la fin de chaque partie du morceau.

Dans l'extrait sonore suivant, j'interprète la fin de la partie "B" du morceau, et retourne à la partie "A". Je reprends mon souffle en sacrifiant la cinquième note de la mesure.

Sauter une note médiane pour respirer (26K)

Mais pratiquement n'importe quel passage avec des répétitions de notes ferait l'affaire.

On peut également utiliser des groupes noire/croche. Dans la quatrième mesure de la seconde partie de The Connaughtman's rambles, il y a une noire Mi suivie d'une croche Sol. Ici, vous pouvez facilement raccourcir le Mi et reprendre rapidement votre souffle (cela a pour effet de jouer le Mi comme une croche puis un demi-soupir, et enfin la croche Sol).

Vous pouvez aussi sauter la note au milieu d'un groupe même si les deux dernières notes du groupe ne sont pas répétées. Un exemple serait le Mi qui apparait comme septième note dans la mesure 6 de la première partie du morceau et la mesure 2 de la seconde partie.

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Et après ?

En plus de l'articulation et la respiration, bien sûr, vous utiliserez toutes les ornementations et techniques de votre boîte à épices pour exprimer votre façon de sentir une gigue. J'ai fait une démonstration de l'utilisation de cuts dans la gigue Saddle the pony dans le sujet cuts. Rolls peuvent être aussi utiles, et ils ont leur propre chapitre.

Pour en finir avec The Connaughtman's rambles, voici le morceau dans son l'intégralité.

L'integralité du morceau telle que je devrais la jouer. (212K)

Toutes les gigues ne sont pas aussi sautillantes que The Connaughtman's rambles ou The frost is all over. Certaines sont lyriques et gracieuses, d'autres mélancoliques, ou même sombres et maussades. Il faut varier votre approche en tenant compte du caractère spécifique de chaque morceau.

Donc ce qui vient après est une recette classique : écouter et pratiquer. Essayez les différentes méthodes d'articulation de répétition de notes données précédement. Vous pouvez préférer la méthode 1 ou 2, ou quelque chose de complétement différent, en dehors de mes recommendations. Et écouter -- écouter attentivement les gigues interprétées par de bons joueurs de whistle, mais aussi par des violonistes, accordéonnistes, joueurs de cornemuse, flûtistes, etc...

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Comment ne pas jouer une gigue

Un visiteur de ces pages, voyant le sujet des gigues abordé, m'a demandé de donner des exemples de gigues mal jouées. Ayant passé tant de temps à essayer de faire justice au sacré personnage qu'est la gigue irlandaise, je suis réticent à le calomnier en public. Mais vous n'avez pas besoin d'aller loin pour trouver des exemples de ce que je (comme sans aucun doute la plus part des musiciens traditionnels expérimentés) considererais comme de mauvaises interprétations de gigues. Vous pourrez en trouver quelques-unes sur internet.

Evidemment, il est plus important pour vous d'écouter de bonnes interprétations que de mauvaises. Mais voici, sous forme de partitions, quelques erreurs courantes.

La moins tragique est de jouer une gigue comme le ferait un musicien classique en lisant ceci sur une partition (le fameux rythme de sicilienne) :

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Ici les notes sont trop inégales. Le vrai rythme se situe quelque part entre "deux croches" et "croche pointée/double". (Comme pour les hornpipes, soit dit en passant.)

Si d'autre part vous avez essayé de jouer une gigue comme cela -- et s'il vous plait ne le faites pas -- vous approcheriez certainement le manière qu'ont certaines personnes de falsifier une gigue. Heureusement pour nous joueurs de whistle, ce type de travestissement est plus fréquement entendu chez les violonistes et joueurs de mandoline.

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Une autre chose que certains font parfois est d'accentuer trop le premier temps de la mesure. Vous n'avez pas besoin de faire cela -- le premier temps reçoit toute l'emphase qui lui est nécessaire en étant simplement le premier temps. Une fois encore, il s'agit d'un écueil que l'on peut plus aisément entendre chez les violonistes embryonnaires.

Nouveau (24 Mars 2001). J'ai finalement enregistré un extrait sonore qui montre une façon de mal jouer une gigue. Vous le trouverez dans la page suivante (Gigues II). Mais lisez le reste de cette page avant d'aller plus loin ...

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Au cas où vous ne me croiriez pas...

J'ai tellement radoté sur les rythmes de gigues que vous devez en avoir assez. Mais juste pour vous convaincre de l'effet produit par une mauvaise interprétation de gigue sur un musicien traditionnel ou un connaisseur, laissez-moi citer un grand musicien irlandais, le violoniste du Donegal Danny Meehan. Cette déclaration a été faite il y a plus de 20 ans, juste après m'avoir expliqué très gentiment que je venais de jouer une gigue de merde. Je l'avais sans doute joué avec un rythme du genre "polka" comme dans l'exemple précédent.

Il a dit : "You know, Steve, a jig's a nice simple kind of tune, but if you don't bow it right, it's a nasty piece of work."

Cette réflexion m'a fait me creuser la tête pendant des jours. Et assez bizarrement, je ne l'ai jamais oubliée. Le ton était gentil, mais ne cachait pas la force du sentiment qui l'avait inspirée. C'est une des leçons de musique les plus importantes que j'aie reçues dans ma vie. Je vous conseille donc de l'apprendre dès maintenant, avant que quelqu'un ne se sente obligé de vous la donner après vous avoir entendu jouer !

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Dernière mise à jour : 27 août 2002